Étude théologique de Romains 12.17

Pour offrir une étude théologique de Romains 12:17, examinons le verset dans son contexte, sa signification théologique et ses implications pour la foi chrétienne. Le verset, dans la traduction Louis Segond, dit :« Ne rendez à personne le mal pour le mal. Efforcez-vous de faire le bien devant tous les hommes. »1. Contexte de Romains 12:17Romains 12 marque un tournant dans l’épître de Paul aux Romains. Après avoir exposé la doctrine de la justification par la foi (chapitres 1–11), Paul passe à des exhortations pratiques sur la manière dont les chrétiens doivent vivre en réponse à la grâce de Dieu. Le chapitre 12 s’ouvre avec un appel à offrir sa vie comme un « sacrifice vivant » (v. 1) et à ne pas se conformer au monde, mais à être transformés par le renouvellement de l’intelligence (v. 2). À partir du verset 9, Paul donne des instructions concrètes sur l’amour, la moralité, et les relations avec autrui, y compris les ennemis.Romains 12:17 s’inscrit dans une série d’exhortations sur la conduite des chrétiens dans un monde souvent hostile. Il est immédiatement suivi par des versets qui développent l’idée de surmonter le mal par le bien (v. 21) et de laisser la vengeance à Dieu (v. 19). Ce passage reflète l’enseignement de Jésus dans le Sermon sur la Montagne (Matthieu 5:38-48), notamment l’appel à aimer ses ennemis et à ne pas répondre au mal par le mal.2. Analyse exégétiqueLe verset peut être divisé en deux parties :a) « Ne rendez à personne le mal pour le mal »

• Contexte juif et grec : Cette injonction s’oppose à la loi du talion (« œil pour œil », Exode 21:24), qui était une norme de justice dans l’Ancien Testament, mais aussi dans de nombreuses cultures antiques. Paul, inspiré par l’enseignement de Jésus, appelle les chrétiens à dépasser cette logique de réciprocité négative.
• Théologie de la grâce : Ne pas rendre le mal pour le mal reflète la grâce de Dieu, qui ne traite pas les pécheurs selon leurs mérites, mais leur offre le salut (Romains 5:8). Les chrétiens sont appelés à imiter cet amour inconditionnel.
• Portée universelle : L’expression « à personne » souligne que cette attitude s’applique à tous, qu’il s’agisse d’amis, d’ennemis, ou même de persécuteurs.

b) « Efforcez-vous de faire le bien devant tous les hommes »

• Effort actif : Le verbe grec pronooumenoi (s’efforcer, prendre soin) implique une intentionnalité et une proactivité. Faire le bien n’est pas passif, mais une démarche délibérée.
• Témoignage public : L’expression « devant tous les hommes » suggère que les actions des chrétiens doivent être visibles et honorables, même aux yeux des non-croyants. Cela reflète une préoccupation pour le témoignage de l’Évangile (cf. 1 Pierre 2:12).
• Le bien (kala) : En grec, kala désigne ce qui est moralement beau, juste, et honorable. Cela contraste avec le mal (kakon) mentionné dans la première partie du verset.

3. Thèmes théologiques majeurs

• Imitation du Christ : Ce verset reflète l’exemple de Jésus, qui n’a pas rendu le mal pour le mal, même face à la crucifixion (1 Pierre 2:23). Les chrétiens sont appelés à suivre cette voie de non-violence et d’amour sacrificiel.
• Transformation éthique : Romains 12:17 s’inscrit dans l’appel plus large à une vie transformée par l’Esprit. Cette transformation se manifeste par une éthique qui rompt avec les normes du monde.
• Témoignage dans le monde : Faire le bien « devant tous les hommes » a une dimension missionnaire. Les actions des chrétiens doivent refléter la sainteté de Dieu et attirer les autres vers Lui.
• Confiance en la justice divine : En renonçant à rendre le mal, les chrétiens font confiance à Dieu pour juger justement (v. 19). Cela libère le croyant de la vengeance et l’invite à se concentrer sur l’amour.

4. Applications pratiques

• Dans les relations interpersonnelles : Ce verset appelle à une posture de pardon et de bienveillance, même face à l’injustice. Cela peut s’appliquer dans les conflits familiaux, professionnels, ou communautaires.
• Dans un contexte de persécution : Pour les chrétiens de Rome, souvent confrontés à l’hostilité, ce verset était un rappel de ne pas répondre à la violence par la violence, mais par des actes de bonté.
• Témoignage contemporain : Aujourd’hui, ce verset invite les chrétiens à être des artisans de paix dans un monde polarisé, en évitant les discours ou actions de haine, même face à l’injustice.

5. Liens avec d’autres textes bibliques

• Ancien Testament : Proverbes 20:22 (« Ne dis pas : Je rendrai le mal ; espère en l’Éternel, et il te délivrera ») et Lévitique 19:18 (interdiction de la vengeance).
• Nouveau Testament : Matthieu 5:44 (« Aimez vos ennemis »), 1 Thessaloniciens 5:15 (« Ne rendez pas le mal pour le mal, mais poursuivez toujours le bien »), et 1 Pierre 3:9.
• Contexte paulinien : Romains 12:17 fait écho à 1 Corinthiens 13 (l’amour ne fait rien de mal) et à Philippiens 4:8 (pensez à ce qui est juste et honorable).

6. Perspectives théologiques

• Protestantisme : Les réformateurs comme Luther et Calvin soulignaient que ce verset reflète la distinction entre la justice humaine (vengeance) et la justice divine (grâce). Calvin, dans son commentaire sur Romains, insiste sur l’idée que les chrétiens doivent refléter la patience de Dieu.
• Catholicisme : La tradition catholique met l’accent sur la vertu de charité, voyant dans ce verset un appel à pratiquer les œuvres de miséricorde, même envers ceux qui font le mal.
• Théologie contemporaine : Certains théologiens, comme Miroslav Volf, explorent ce verset dans le contexte de la réconciliation, soulignant que ne pas rendre le mal pour le mal ouvre la voie à la restauration des relations.

7. ConclusionRomains 12:17 est une exhortation puissante à vivre une éthique chrétienne radicale, marquée par la grâce, la non-violence, et le témoignage public. Il appelle les croyants à rompre le cycle du mal par des actes de bien, en imitant l’amour inconditionnel de Dieu. Ce verset, bien que difficile à mettre en pratique dans un monde marqué par l’injustice, offre une vision d’espérance où le bien triomphe par la puissance de l’Esprit et la confiance en la justice divine.